Spécialiste des solutions de santé numérique, Observia a remporté le Prix de l’Innovation numérique à l’hôpital remis à l’occasion des Talents de la e-santé 2022 avec son projet Atoutcoeur, construit avec l’Hôpital Léopold Bellan. Sylvain Bonnet, directeur général Europe, nous raconte cette aventure et les ambitions de la société, née en 2011.

Avec 12 ans d'existence, 50 collaborateurs et un chiffre d'affaires de 5 millions d'euros, Observia affiche une rare maturité dans la healthtech française. Quel est le secret ?

C'est sans doute parce qu'Observia répond à une problématique très ancienne : le manque d'observance des patients, qui veulent parfois oublier leur maladie, en particulier lorsqu'elle est chronique. Hippocrate l'avait déjà épinglée, et plus récemment l'OMS, sans parvenir à apporter de réelles réponses. Observia s'est ainsi donné l'objectif de faire l'interface entre soignants et patients via les nouvelles technologies. En effet, l'histoire a commencé dès 2011, par l'envoi à l'époque de SMS à des patients, après la pose de stent, pour leur rappeler de prendre leur traitement anti-coagulant. Nous avions alors mené une étude avec l'hôpital de la Timone, à Marseille, qui a montré que cette technique permettait de diviser l'inobservance par deux ! Depuis, nous n'avons cessé d'innover dans nos technologies, mais aussi pour comprendre les ressorts de l'engagement et y répondre de façon personnalisée. C'est ce qui a dessiné notre approche multicanale, à l'instar du marketing classique BtoC, où l'entreprise va engager les consommateurs sur sa marque. Pour nous, il s'agit d'engager le patient sur sa propre santé, à travers une expérience personnalisée qui passe par divers outils et avec le concours des acteurs du parcours de soins.

Quel est l'objectif de la plateforme Atoutcoeur ? Les soignants l'ont-ils adoptée facilement ?

Atoutcoeur se concentre sur l'éducation thérapeutique du patient (ETP), sous l'angle de la littératie en santé, qui consiste à renforcer la motivation et les compétences des patients à prendre en charge leur santé. Notre projet, mené en partenariat avec l’Hôpital Léopold Bellan, s'est intéressé plus concrètement à la rééducation après un accident cardiaque. Les patients sont alors pris en charge dans un centre de soins de suite, qui va mettre l'accent sur l'éducation, afin de les aider à changer leurs habitudes. Du côté de l'équipe pluridisciplinaire, l'enjeu est d'établir dans un premier temps un "diagnostic éducatif" du patient et de déployer ensuite une plateforme pour le soin éducatif. Atoutcoeur leur offre dans ce cadre une plateforme de coordination, avec toute une bibliothèque de ressources et d'information personnalisée, selon un algorithme qui va prendre en compte le diagnostic éducatif et les objectifsdu patient et son évolution au fil du temps. Son succès s'explique par une adoption assez simple du côté des professionnels de santé. Aujourd'hui, l'ETP et son suivi sont essentiellement réalisés sous un format papier. Les dossiers passent d'un soignant à l'autre et c'est un véritable enfer administratif, en particulier lorsqu'il faut justifier de différents indicateurs de performance auprès des ARS qui financent les programmes. Notre solution, qui permet de tout centraliser automatiquement et de simplifier la coordination entre professionnels de santé, facilite donc cette gestion.

Comment voyez-vous évoluer Observia et les technologies d'ETP à l'avenir ?

L'ambition d'Observia est d'être une plateforme centrale pour développer différents outils. Nous ne sommes pas un acteur vertical de telle ou telle maladie, mais une boîte à outils, prête à assembler les bonnes solutions numériques, à les évaluer et les faire évoluer. Aujourd'hui, nous sommes d'ailleurs toujours dans une phase de "test and learn" afin d'identifier ce qui marche et de comprendre pourquoi. Mais il est difficile de prédire les succès à venir. En revanche, nous avons des expertises et des convictions qui s'affirment et des produits qui arrivent à maturité, comme SPUR^tm, un outil qui permet de mesurer les niveaux d'engagement en santé de chaque individu au sein d'une population. Surtout, cet outil, développé en partenariat avec l'université du Michigan aux États-Unis, Paris Saclay et Kingston au Royaume-Uni, va au-delà des modèles qui existent, en expliquant au soignant pourquoi le patient est adhérent ou non et en lui donnant les clés pour travailler avec lui et apporter une réponse personnalisée. C'est un système validé scientifiquement et dont nous sommes très fiers, après quatre années de R&D.